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Reportage - 15 Juin 2022

Jeux de société, Récits de notre histoire

Article du Deuzio

Infos

Cet article a été rédigé par Charlotte Van Breusegem dans le cadre d’un dossier Deuzio sur les jeux de société qui se sont installés dans le temps. Sur les conseils de Ludeo, la journaliste a rencontré Michel Van Langendonckt, président de LUDO Asbl.

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Jeu datant probablement de 1400

Ce n’est pas tout à fait un hasard si certains jeux de société résistent au temps et se passent de génération en génération. Culturels mais aussi sociaux, ces classiques racontent notre histoire.

Des souvenirs ludiques

Les jeux de société nous évoquent tous des souvenirs d’enfance, des moments uniques en famille ou entre amis. Modernes ou plus anciens, ces jeux racontent de nous ce que nous sommes. Famille, économie, mouvements sociaux, les thèmes abordés innocemment à travers ces plateaux de jeux mythiques sont autant d’enjeux qui ont marqué nos sociétés.

Certains de ces thèmes résistent d’ailleurs au temps et restent des sujets d’actualité, au même titre que les plateaux de jeux qui les illustrent. Président de LUDO Asbl, l’association des ludothécaires francophones belges et de promotion culturelle du jeu, Michel Van Langendonckt explique que chaque jeu mythique a son histoire.

Monopoly comme critique du capitalisme

Plateau du jeu MonopolyEn 1935, Charles Darrow crée le Monopoly tel qu’on le connaît aujourd’hui. Mais en réalité, ce jeu culte daterait du tout début du XXe siècle. C’est Elizabeth Magie, une conceptrice américaine de jeux de société qui invente et fait breveter « The Landlord’s Game » en 1904. Son intention est alors de critiquer le système des rentes immobilières en dénonçant les grands monopoles de propriétaires terriens. Malgré le brevet, Charles Darrow récupère son idée pour la placer auprès de la firme Parker. La version de Charles Darrow rencontre rapidement un succès fou qui traverse les décennies. « Ce jeu, qui est le reflet de note société capitaliste, se joue encore beaucoup en famille, explique Michel Van Langendonckt. Les enfants qui jouent au Monopoly partagent généralement l’envie de créer les mêmes souvenirs avec leurs enfants lorsqu’ils deviennent parents. Ainsi, cette tradition ancrée du jeu continue de traverser les générations. »

De la même façon, certains types de jeux sont devenus cultes car ils font écho aux grandes aspirations de la vie humaine. « Les jeux de parcours tels que le jeu de l’oie ou plus récemment « Destin » retracent le chemin d’une vie avec les pièges de l’existence et les épreuves pour mériter le paradis », observe Michel Van Langendonckt.

Le Trivial Pursuit, coqueluche des adultes

Plateau du jeu Trivial PursuitLe Trivial Pursuit intervient un peu plus tard dans l’histoire des jeux de société. D’abord commercialisé au Québec en 1981 sous le nom « Quelques arpents de pièges », le mythique jeu de culture générale s’appellera ensuite « Remueméninges » en France avant de connaître le succès sous son nom actuel. « Ce qui a fait le succès du Trivial Pursuit, c’est qu’il a réconcilié les adultes avec le jeu de société, raconte le président de LUDO Asbl. C’est un jeu où on étale sa culture, loin des jeux qui se jouaient uniquement avec les enfants et pour leur plaisir. »

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Une tradition belge

Peinture de Jeanne de BrabantParmi tous ces jeux historiques, un genre en particulier est directement lié à l’histoire belge.
En 1379, notre territoire connaît déjà ses premières soirées de jeux de cartes grâce à Jeanne, duchesse de Brabant et de Limbourg de 1355 à 1406. La duchesse fait acheter une vingtaine de jeux entre 1379 et 1383 pour ses soirées mondaines. Le jeu de carte devient une activité à la mode et son industrie se développe partout en Belgique : d’abord à Tournai mais aussi à Namur et ensuite à Anvers. En 1970, l’entreprise belge Cartamundi voit le jour et devient rapidement le leader du marché de production et de distribution de cartes à jouer. Une fierté nationale pourtant peu connue du grand public !

Le jeu de société à proprement parler jouit aussi d’une belle popularité en Belgique, même si c’est surtout en Allemagne que la culture du jeu est particulièrement répandue. « Les Allemands jouent à des jeux de société deux fois par semaine, alors que nous y jouons en moyenne deux fois par an, constate Michel Van Langendonckt. Malgré tout, vu la proximité des deux pays, cette culture percole plus facilement chez nous qu’en France. »

Dans les années 90, le marché Allemand du jeu de société s’est retrouvé saturé, forçant les développeurs à traduire leurs nouveaux jeux en français, en anglais et en néerlandais. Ce phénomène explique notamment le renouveau des jeux de société chez nous et le développement d’une nouvelle culture du jeu.

Un rayonnement international

Le succès des jeux de société grandit encore en Belgique comme ailleurs, poussé notamment par la crise sanitaire. « C’est peut-être l’un des rares secteurs auxquels la crise a souri. Confinés chez eux, en télétravail, les Belges en quête de distractions ont, plus que jamais, consacré des heures aux jeux de société ces deux dernières années. » Les Belges jouent plus de manière générale, aux jeux de société comme aux jeux vidéo. « Le jeu vidéo n’a pas tué le plateau de jeu, au contraire », observe Michel Van Langendonckt. Autre indicateur parlant, l’apparition d’un diplôme spécifique en sciences et techniques du jeu à Bruxelles. « Le jeu de société ne se développe plus uniquement dans la sphère privée mais aussi dans la sphère professionnelle », conclut le président de LUDO Asbl.

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Pour lire l’article en format PDF :

Jeux de société – Récits de notre histoire – partie 1
Jeux de société – Récits de notre histoire – partie 2