Julie et Vanessa, ludothécaires à Auderghem

D’où vient votre passion pour les jeux de société ?

Julie : J’ai toujours aimé les jeux de société. À la maison, quand j’étais petite, on avait tous les classiques de l’époque comme Destin, Les mystères de Pékin et on jouait énormément avec ma sœur !

Vanessa : Moi aussi j’ai toujours aimé jouer et avec la multitude de jeux qui émergent chaque année, c’est un vrai bonheur que d’en découvrir de nouveaux régulièrement. On a tout l’embarras du choix !

Comment devient-on ludothécaire ?

V : À l’époque [rires], il n’y avait pas vraiment de formation pour devenir ludothécaire[1]. Nous avons toutes les deux un diplôme de bibliothécaire et entre ces deux boulots, il y a forcément des similitudes… mais aussi pas mal de différences ! Si on classe les jeux tout comme les livres, il faut cependant repenser les catégories : par âge, par type de jeu, par nombre de joueurs… Il y a plusieurs manières de faire mais nous avons opté pour la classification ESAR[2] qui permet d’avoir une uniformisation avec la plupart des ludothèques bruxelloises. Cependant, même si on peut se faire rapidement un avis sur un jeu de par sa boîte et son résumé, l’idéal reste bien sûr de le tester afin de pouvoir le classer correctement et de bien le conseiller à notre public par la suite.

Et quel est votre public cible ?

J : Je gère la ludothèque depuis 7 ans environ et j’ai vraiment vu notre public évoluer. Nous accueillons principalement des familles, avec des enfants entre 8 et 12 ans qui viennent souvent tous ensemble afin de choisir des jeux. Au fil des années, on remarque qu’elles ont acquis une réelle culture ludique car elles sont plus pointues dans leurs critères et leurs demandes. Elles ont vraiment pris l’habitude de jouer et sont devenues « expertes » dans les jeux dits « familiaux ».

V : On constate également que ces familles ont globalement tendance à se tenir au courant de l’actualité ludique et à venir en ludothèque avec des titres de jeux précis qu’elles voudraient essayer. Évidemment, pour nous c’est très chouette car nous n’avons plus besoin de les « convaincre »  mais plutôt de les conseiller par rapport à ce qu’elles aiment et connaissent et ce qu’elles pourraient éventuellement découvrir.

Qu’est-ce que la période Covid a mis en lumière dans votre travail ?

V : Comme partout, la Covid-19 a été une période difficile à gérer, même si nous avons eu la chance de pouvoir rapidement offrir un service de take-away. S’il faut cependant tirer une leçon positive de cette crise sanitaire, c’est que notre public a pris l’habitude d’écouter nos conseils car en 15 minutes de rendez-vous, impossible de jouer ou d’essayer quoi que ce soit. À la réouverture totale de la ludothèque, on a senti que le public avait vraiment pris l’habitude de recevoir ces conseils personnalisés et on nous sollicite dorénavant beaucoup plus. C’est une facette vraiment très agréable de notre travail qui a été amplifiée avec l’effet Covid.

J : On note aussi une forte augmentation du nombre d’adhérents et de jeux loués en 2020. En effet, les familles ont cherché pour leurs enfants des occupations à faire dans le quartier, pas trop loin de chez elles et ont découvert ou redécouvert notre ludothèque. Aujourd’hui, c’est près de 3.500 personnes qui fréquentent annuellement notre lieu, avec près de 3.000 locations par an, un chiffre qui a plus que doublé en 5 ans !

Quels sont les jeux qui ont le plus gros succès ?

J : Les Unlock sont les jeux les plus souvent loués dans notre ludothèque : dès qu’une boîte rentre en stock, elle est relouée immédiatement et les nouveaux opus qu’on acquiert sont directement pris d’assaut ! Cela fait vraiment sens pour nous de venir chercher ce genre de jeux « consommable » en ludothèque et cela met notre rôle en valeur.

V : Il y a aussi Las Vegas, au plaisir de jeu instantané, et Welcome To, dont je suis vraiment une grande fan, qui ont beaucoup de succès. Ils font désormais partie des jeux classiques et modernes : faciles d’accès avec des parties courtes et rejouables à l’infini. Comme je les apprécie beaucoup, je pense que mon enthousiasme est communicatif [rires] !

Vous avez une fameuse collection de jeux, les connaissez-vous tous ?

J : Nous n’avons malheureusement pas l’occasion de connaître tous les 1800 jeux que nous avons en ludothèque. Lorsqu’on y travaille 15 heures pour moi et 12 heures pour Vanessa par semaine, entre l’encodage, les heures de prêt, le comptage des pièces et le côté administratif de la ludothèque, c’est presqu’impossible de découvrir des jeux sur notre lieu de travail ! Comme on est des passionnées, on en reprend souvent à la maison pour jouer avec nos enfants. De ce fait, on connaît plutôt bien la gamme 4-7 ans [rires] et on essaye de se débrouiller avec les amis pour découvrir les jeux plus « experts ».

V : Je suis aussi l’actualité ludique sur les réseaux sociaux et je me tiens régulièrement au  courant des nouvelles sorties. On regarde (beaucoup !) de vidéos qui expliquent des règles et on essaye au moins de pouvoir pitcher tous les jeux. À nous deux, on connaît 40% des jeux à fond. Et puis parfois, on confie des missions à nos clients : on leur dit en toute sincérité qu’on ne connaît pas le jeu et qu’on est preneuses d’un avis. On a la chance d’avoir un public très compréhensif et ravi de venir nous expliquer le jeu par la suite. Ils apportent ainsi une petite pierre à l’édifice de notre ludothèque et en sont fiers ! Être ludothécaire, c’est avant tout un vrai partage et cela a beaucoup de sens pour nous.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre travail ?

J : Le plus « compliqué » dans ce travail, c’est la vérification des jeux. Lorsqu’on doit recompter toutes les pièces d’un gros jeu, il faut qu’on soit dans notre bulle – et dans le contexte actuel, on commence à avoir l’habitude ! Cela prend beaucoup de temps et c’est parfois frustrant lorsqu’on voit tout ce qu’il reste encore à faire.

Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous dans votre ludothèque ou dans son fonctionnement ?

J : Honnêtement, on a un très chouette fonctionnement et un budget communal confortable qui nous permet de renouveler régulièrement notre collection. Lorsqu’on se rend en boutique pour faire nos achats et que deux jeux nous plaisent, on a le luxe de ne pas devoir choisir entre les deux : on prend les deux, et on est pleinement conscientes de ce privilège.

V : Si on avait la possibilité de changer quelque chose, ce serait peut-être l’espace : avoir une plus grande superficie nous permettrait d’organiser mieux les étagères. Nous avons aussi toute une liste de jeux disponibles sur catalogue mais par manque de place, nous ne pouvons les conserver au même endroit, ce qui demande un peu de logistique et d’organisation ! Ce serait également l’occasion d’avoir plus de tables pour organiser des animations ou des soirées jeux. Même si dans nos têtes, cela fourmille d’idées et de projets, on savoure vraiment la chance qu’on a d’être là.

Les indiscrétions de Ludeo

• Si vous étiez un jeu :

V : J’ai vraiment eu un coup de cœur pour Lucky Numbers. J’aime son côté facile d’accès, un jeu de détente qu’on apprécie à chaque partie.
J : Pour moi c’est Las Vegas, avec ses pelletées de dés.  C’est vraiment un bon classique qu’on ressort chaque fois avec plaisir.

• Quel est votre meilleur souvenir ludique ?

Lorsqu’à 2 heures du matin on a essayé de jouer à WonderZoo, un jeu pour enfants, et qu’on n’y a rien compris, on a eu un fou rire mémorable et on s’est dit qu’il était peut-être temps d’aller dormir.

• Quel est LE jeu de votre enfance ?

J : Super défi… j’ai de nombreux et bons souvenirs avec ce jeu… mais peut-être vaut-il mieux ne pas y rejouer aujourd’hui [rires] !
V : J’adorais Les mystères de Pékin et j’en referais bien une partie !

• Quel est LE jeu que vous voudriez avoir créé ?

J : Century. C’est un jeu de stratégie à plusieurs paliers et sans trop d’interaction. On construit quelque chose sans qu’un adversaire vienne tout nous détruire et personnellement, j’adore ça !
V : Je suis fan de la gamme Unlock. J’ai fait toutes les enquêtes sans exception et j’admire le fait que l’auteur et l’éditeur amènent toujours de nouveaux mécanismes plein de surprise. À chaque boîte qui sort, on a à la fois le côté rassurant de « on sait ce qu’on va trouver dans la boîte » et le côté excitation « mais quelle nouveauté va-t-on découvrir dans cette boîte ? ».

• Si vous étiez un style de jeu ?

J : Un jeu de stratégie, sans hésiter ! J’adore essayer différentes choses lorsque je joue et repérer ce qui fonctionne le mieux !
V : Entre les jeux de stratégie et les jeux d’enquête, mon cœur balance !

• Quelle est la couleur de pion avec laquelle vous jouez toujours ?

J : C’est marrant, je me rends compte en le disant que je joue les jaunes depuis toute petite !
V : Moi je saute sur les roses… quand il y en a !

Ludeo remercie profondément Julie et Vanessa pour le temps précieux qu’elles ont consacré à cette interview ! Retrouvez-les :

Sur Facebook : https://www.facebook.com/bibliothequesludothequeauderghem
Sur Instagram : https://www.instagram.com/ludothequeauderghem/

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[1] Aujourd’hui à Bruxelles,  la spécialisation en Sciences et techniques du jeu propose l’option « ludothécaire & ludicaire », qui s’adresse plus particulièrement aux personnes souhaitant travailler en ludothèque ou monter un projet commercial comme une boutique ou un bar à jeux. Source : https://www.he2b.be/formations/sciences-politiques-sociales/specialisation-sciences-techniques-jeu consultée le 16/08/21.

[2] Le système ESAR, aujourd’hui utilisé dans plus de 31 pays, permet l’analyse et la classification objective des jouets et jeux. Source : https://www.systeme-esar.org consultée le 17/07/21