Nicolas d’Atout Projet

Pour commencer, quel est ton rapport au jeu ?

Comme beaucoup d’enfants, j’ai quelques jeux qui ont baigné ma jeunesse et qui me laissent de doux souvenirs, comme la crapette que j’avais l’habitude de jouer avec ma grand-mère. En grandissant, je me suis plus intéressé aux jeux de rôle et aux jeux vidéo. À 30 ans, mon diplôme d’ingénieur informaticien en poche, j’ai eu l’envie irrépressible de voyager. Ma compagne de l’époque, qui était bibliothécaire et ludothécaire, m’a proposé d’aborder le voyage sous l’angle du jeu de société… et j’ai tout de suite été emballé.

Pendant les préparatifs, nous nous sommes renseignés sur ce qui existait en termes de jeux de société et je me suis vite rendu compte que s’offrait à moi tout un univers dont je n’avais pas connaissance. Nous avons alors décidé de nous former dans ce domaine. Le hasard des choses (et la chance !) a mis Dominique Dumestre sur notre chemin. Fondatrice du Ludambule, une ludothèque sur roues dans les Hautes-Alpes, elle est également une membre active de l’ITLA, l’Organisation internationale des ludothèques. Dominique a adoré notre projet et nous a directement invités à passer un week-end chez elle pour découvrir des jeux. Nous sommes repartis de là, plus motivés que jamais, avec des dizaines de jeux qu’elle nous a gracieusement offerts ! Ce moment a été décisif dans ma vie : il m’a permis de renouer avec ce média qui ne m’a plus jamais quitté depuis.

Comment s’est effectué le passage du voyage aux Rencontres ?

En été 2013, après plus de 20 mois de pérégrinations en Amérique latine et des expériences incroyables plein la tête, nous voilà de retour au bercail, en France. Lors d’un court séjour en Belgique, je croise Isabelle de Ludeo et Michel Van Langendonckt, président de Ludo asbl – que j’avais par ailleurs rencontrés lors de mon voyage à Sao Paolo, dans le cadre d’une réunion de l’ITLA. Ce dernier m’informe qu’une formation sur le jeu est en cours de réalisation à Bruxelles. Les étoiles semblent s’aligner : je m’inscris donc à cette spécialisation en Sciences et techniques du jeu. C’est dans le cadre de cette année particulière que je découvre les Rencontres Jeu t’aime auxquelles je participe pour la première fois en novembre 2013, en tant que bénévole. Par la suite, je suis resté très proche de l’organisation et de la coordination de l’événement. Fin 2021, l’asbl Atout Projet propose de co-organiser l’événement aux côtés de Ludo asbl qui accepte… La boucle est bouclée !

Que représentent pour toi ces Rencontres ?

Pour moi, ce projet est porteur de valeurs qui se traduisent concrètement dans ce que cet événement propose comme activités, avec une philosophie de partage et de plaisir. Il y a également le côté gratuit qui est très important et qui offre à l’événement une dimension inclusive.

 

 

Ces valeurs diffèrent-elles de celles d’autres événements ludiques ?

En tant qu’équipe organisatrice, nous avons à cœur de nous mettre à la portée de notre public, qui n’est pas forcément un public de joueurs. La majorité des personnes qui fréquentent l’événement sont des familles qui jouent plus ou moins occasionnellement où qui poussent ici la porte pour la première fois. Nous sommes attentifs à l’accueil de ces familles et prenons soin de les orienter et de les accompagner dans le choix des jeux et des activités. Si on aime beaucoup le jeu, il est ici plutôt un prétexte qui fait écho à quelque chose de plus fondamental : l’instinct de jouer, présent chez tout un chacun.

Quelle est la plus-value pour les Rencontres d’être coordonnées par une structure comme Atout Projet ?

Selon moi, Atout Projet a une réelle valeur ajoutée car elle permet d’insérer une nouvelle dimension à ce projet : celle de la jeunesse bruxelloise. Tout au long des préparatifs, nous impliquons les jeunes de notre structure dans l’organisation et l’animation de l’événement afin de favoriser leur émancipation. Nous avons en effet pour mission de renforcer leur pouvoir d’agir via la mise en projet et la valorisation de leur travail… et les Rencontres constituent le levier idéal pour le déploiement de leurs ailes !

Si on a souvent la critique facile envers les jeunes d’aujourd’hui, il fallait voir leur implication sur le terrain l’année passée ! Pour beaucoup d’entre eux, il s’agissait d’une première expérience professionnelle, le tout dans la prestigieuse Maison de la Création : installation du matériel, préparation et animation de jeux, etc. En répondant présent à l’appel cette année encore, on se dit qu’on a tout gagné. Pour cette 13^e édition, ils s’investissent davantage dans l’animation et ont même travaillé sur un projet d’Escape Box en collaboration avec OpenFabLab. Beaucoup de choses vont encore se mettre en place pour les éditions à venir car ils sont vraiment preneurs et motivés.

Les Rencontres Jeu t’aime, c’est aussi le festival des ludothèques et des partenaires ludiques de Bruxelles.

Oui effectivement, les ludothèques et les associations ludiques bruxelloises sont au cœur du projet. C’est ce qui fait toute la spécificité de cet événement car il n’y a aucun but commercial derrière les activités proposées, si ce n’est d’inciter le public à fréquenter les ludothèques par la suite !

Chaque année, celles-ci sont forces de propositions et n’hésitent pas à se renouveler. Il y a une dynamique entre les partenaires et une circulation des idées et du matériel : en fonction des animations et des besoins de chacune, il n’est pas rare qu’une ludothèque prête des jouets ou des jeux de société à une autre afin de proposer un contenu complet et de qualité au public. Une belle solidarité émerge donc de ce réseau qui s’inscrit comme une grande famille dans la sphère ludique bruxelloise.

D’année en année, quel est ton challenge ?

On a toujours la volonté de faire mieux ! Depuis deux ans, on a la chance de travailler avec la Maison de la Création qui est un partenaire très précieux, qui place l’accès à la culture au sein de ses préoccupations. Cela transparaît dans la qualité des échanges et du résultat et cela assure une belle cohérence au niveau du sens dont je suis très fier.

Côté pratique, on n’a pas peur de se remettre en question afin de faire évoluer le projet, avec toujours cette question au bout des lèvres : « qu’est-ce qui fait sens ? ». On expérimente, on vise parfois un peu les étoiles avec toujours une base de connaissances qui se renforce au fil des éditions et qui nous assure toujours un filet de sécurité. On sait par exemple qu’il existe une vraie confiance et beaucoup de bienveillance de la part des partenaires qui nous soutiennent. Et bien sûr, lorsque nous nous aventurons en terrain inconnu, nous n’hésitons pas à nous entourer et à prendre conseils auprès d’autres professionnels.

En outre, au niveau de l’organisation, nous tentons de nouvelles méthodes en nous appuyant sur des outils d’intelligences collectives. Il y a une volonté forte de mettre en place un processus de plus en plus impliquant et participatif.

Y a-t-il de nouvelles activités proposées cette année ?

Cette année, nous souhaitons accorder une attention toute particulière à l’espace petite enfance. Grâce aux judicieux conseils de l’équipe du Fraje, nous avons pu mettre en place un cadre plus spécifique à l’accueil et à l’accompagnement de la petite enfance dans l’espace jeu libre. La maison verte Passages a également rejoint l’aventure et va contribuer à l’enrichissement de l’offre pour les plus petits, toujours dans cette optique de développer du lien entre parents et enfants. On retrouve également la ludothèque Walalou qui a toujours 1001 idées pour rendre ses espaces de jeu accueillants et attractifs ainsi que Toile de jeux qui met son expérience quotidienne du terrain au service de cette journée. Enfin, la ludothèque LuAPE proposera cette année encore un espace snoezelen qui avait connu un grand succès auprès des plus jeunes l’année passée.

Sur proposition des ludothèques spécialisées Eqla et LuAPE, il y a également un désir de devenir une journée plus inclusive afin d’accorder une place à chacun. Cela demande beaucoup de temps mais l’investissement en vaut la chandelle et si nous commençons petit cette année, notre volonté est de continuer à développer ce côté inclusion dans les éditions à venir.

Pour terminer, qu’est-ce qui te surprend le plus dans ce projet ?

Que tout roule si « facilement » ! De l’organisation en amont à la réalisation sur le terrain, il y a une efficacité qui se génère et qui me procure beaucoup de plaisir ! Je suis également toujours surpris par la capacité des différents partenaires à innover et à trouver de nouvelles approches ludiques. Les Rencontres Jeu t’aime, c’est chaque année de nouveaux partenariats et de belles dynamiques professionnelles. Et tout ce petit monde qui fonctionne de concert, c’est déjà un peu de magie à l’aube des fêtes.