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Reportage - 10 Mai 2021

Quand jeu de société rime avec citoyenneté

Portrait de Boubacar, animateur en école de devoirs

octopus

Infos

Foyer des jeunes des Marolles,
Rue de la Prévoyance 46, 1000 Bruxelles
02 512 78 68

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Boubacar-Azzedine

Parler de discrimination, de harcèlement ou de genre à des enfants de huit ans ? Pas simple ! C’est pourtant ce que Boubacar (à gauche) et son collègue Azzedine (à droite) ont initié dans leur atelier de citoyenneté, le vendredi soir au Foyer des jeunes des Marolles. Leur « truc » ? S’appuyer sur des jeux de société afin de leur faire prendre conscience de certaines valeurs de manière plus ludique. Nous avons eu l’opportunité de les voir en action sur le terrain et au vu des mines réjouies des enfants débordant d’excitation lorsqu’on amène les jeux à table, on se dit que c’est déjà un peu gagné.

Nous avons rencontré Boubacar dans le cadre de notre cycle de matinées-jeux, organisé en collaboration avec la CEDD (Coordination des écoles de devoirs de Bruxelles). Suite à cette formation, nous l’avons accueilli à l’espace Ludeo pour le conseiller dans le choix des jeux à utiliser avec les enfants. C’est donc tout naturellement qu’est venue l’envie d’en savoir plus sur son parcours et de pousser la porte du Foyer des jeunes afin de découvrir la concrétisation de son projet.

D’où viens-tu et quel est ton parcours professionnel ?

J’ai en moi l’amour des chiffres : diplômé en mathématiques, je suis un ancien professeur de maths et de physique à Conakry, en Guinée. Pour des raisons personnelles, j’ai ensuite voulu changer d’orientation et j’ai suivi un grand nombre de formations, comme celle pour devenir agent de développement et de médiation interculturelle au CBAI[1], les matinées autour du jeu chez Ludeo ou encore celle pour obtenir le brevet de coordinateur en école de devoirs. Aujourd’hui, je suis animateur en école de devoirs au Foyer des jeunes des Marolles (FJM).

Et quel est ton rôle?

Je suis arrivé au FJM en avril 2019 comme animateur socioculturel et depuis septembre 2020 je suis également le coordinateur administratif de l’école de devoirs. Mon rôle est de coordonner l’élaboration et la mise en place de projets pédagogiques et d’assurer la relation  entre l’École de devoirs (EDD) et l’O.N.E. Je m’occupe aussi de la gestion des présences des enfants et des jeunes pendant les heures d’ouvertures. On peut dire que je suis bien occupé ! [rire]

D’où t’es venue l’idée d’utiliser le jeu de société dans tes ateliers ?

J’ai découvert le métier d’animateur à mon arrivée au FJM.  Avec ma casquette de prof, j’étais trop rigide avec les enfants et les jeunes. Puisque je passais beaucoup de temps en école de devoirs, j’ai cherché des alternatives pour faciliter mon travail avec eux. J’ai essayé avec d’autres animations mais cela demandait beaucoup d’espace et d’organisation. Le jeu s’est imposé presque naturellement car je le trouve plus facile à mettre en place.

Au FJM, j’ai trouvé quelques jeux que les animateurs proposaient régulièrement aux enfants. Il s’agit des inconditionnels : Monopoly, Uno… mais ce n’était pas vraiment ce que j’avais en tête. J’ai donc recherché des ludothèques qui pouvaient me conseiller et m’orienter dans ce projet pédagogique. Actuellement, je me fournis à la ludothèque de Ludeo.

Pourquoi t’es-tu inscrit aux formations Ludeo et qu’est-ce que ça a changé dans ta pratique ?

En pédagogie, le prérequis est indispensable pour faire passer une information à des apprenants. Il était donc naturel pour moi de m’outiller afin d’apporter mon savoir aux enfants. S’il y a bien une chose que j’ai apprise lorsque j’étais prof c’est qu’un enseignant doit être comme un caméléon : il doit savoir s’adapter à son public. C’est poussé par la curiosité et par l’envie d’ajouter une corde à mon arc que je me suis inscrit aux formations Ludeo !

Durant ma formation, j’ai d’abord découvert le côté pédagogique que pouvait avoir un jeu.  Aujourd’hui je le considère vraiment comme un nouvel outil didactique à ma portée. On peut  faire des mathématiques sans s’en rendre compte ou faire des conjugaisons de façon ludique et dans la bonne humeur avec des enfants.

Et la citoyenneté dans tout cela ?

Tout est parti d’un constat : celui des échanges parfois houleux entre les enfants, sur le genre, sur l’origine, etc. Avec mon collègue Azzedine, nous nous sommes fait la réflexion que ces problématiques ne sont abordées que plus tard dans l’apprentissage, souvent dès 12 ans, au passage en secondaire. Ce que nous voulions, c’est que les enfants en prennent conscience dès leur plus jeune âge car finalement, pourquoi attendre ?

Le plus compliqué, c’est peut-être de trouver les bons mots pour parler des concepts et les amener de manière détournée. On leur avait par exemple donné une liste de mots en leur demandant de les trier : pour les filles à droite, pour les garçons à gauche. Pleurer, football, poupée, mathématique, lecture, tricherie… nous avons repris des thèmes qui leur étaient familiers et le constat a été surprenant. Les enfants ont très souvent mis les mots… dans les deux colonnes ! Mais lorsqu’ils devaient évoquer leurs réponses à haute voix, ils retombaient directement dans les clichés, comme s’ils n’assumaient pas le côté mixte des mots.

Et qu’en pensent les enfants ?

Les enfants n’ont pas vraiment la culture du jeu. Ils découvrent une autre méthode pour travailler ou apprendre des consignes. Mais nous, en tant qu’animateur et observateur, nous remarquons que de simples choses comme attendre son tour, ne pas tricher, prendre soin du matériel, s’écouter les uns les autres sont déjà des actes de citoyenneté, les plus essentiels même. On essaye donc de faire passer ce message et ils apprécient beaucoup nos séances ! Ils en demandent même une deuxième sur la semaine. Même s’il reste encore beaucoup de travail à concrétiser avec eux, nous sommes heureux de l’engouement que cela suscite !

Lors d’une partie de Compatibility, on aborde des thèmes comme le sport, la lecture ou encore les sentiments et on essaye de déconstruire les stéréotypes.

 

Les indiscrétions ludiques

– Quel est LE jeu de ton enfance ?
Naturellement, c’est le Monopoly, mais aujourd’hui j’ai découvert bien d’autres choses et on peut dire que… je ne l’aime plus ! [rire]

– Si tu étais un style de jeu tu serais quoi ?
Je serais un jeu de stratégie. J’aime beaucoup avoir une vision globale de ce que je fais, cela me permet de réfléchir et d’analyser les forces en face.

Si tu étais une pièce de jeu que serais-tu ?
Je serais le dé car avec un dé on peut faire plusieurs jeux. Du fait qu’il est aléatoire, il est difficile de gagner sans une bonne stratégie. Il est souvent utilisé dans le cours de probabilité comme exemple.

– Ton plus gros fou rire dans le jeu ?
Je ne m’en souviens pas, je suis plutôt stressé quand je joue ! [rire]

– Est-ce que tu joues aussi à la maison ?
Non car je préfère me consacrer à la lecture ou à la recherche sur des thèmes que je découvre en formation. Passer des sciences exactes aux sciences sociales m’occupe beaucoup.

Ludeo remercie profondément Boubacar et le FJM pour leur disponibilité et leur participation ! Retrouvez-les :


[1] http://www.cbai.be/page/63/ consulté le 25/03/21